Escapade dans les deux Charentes pour les Journées du Patrimoine

Peu d’œuvres dans l’immense parc du château mais toutes sont saisissantes, à l’instar de celle du français Christian Lapie, Le Pré de l’Entre-Deux, une “œuvre de mémoire” comme à coutume de réaliser son créateur. D’un noir profond, 29 billes de chênes fendues et taillées en formes anthropomorphiques se dressent pour former une oeuvre monumentale qui “symbolise le lien des les arbres morts qui veillent sur ceux de la nouvelle futaie replantée”.  

Dans le parc classé Jardin Remarquable se dressent aussi  l’immense One and Other d’Antony Gormley, que les villageois appellent plus sobrement “le gardien” tant il semble veiller sur la plaine alentour. Antony Gormley, le français Christian Lapie et l’américain Joël Shapiro créent des œuvres “émotionnelles “qui traduisent de façon positive ce grand drame”, comme l’explique le propriétaire des lieux. A signaler aussi Coeur de Chêne du britannique Andy Goldsworthy, un cairn monumental de bois tordu par la tempête mais aussi et surtout son très puissant Pool of Light aux couleurs et aux dessins changeants au rythme des nuages et du soleil.  Peu d’œuvres, mais particulièrement inspirées, qui toutes symbolisent le renouveau de la vie dans un lieu chargé d’histoire.

Des constructions originales disséminées dans un parc de 150 hectares qui entoure un manoir rural du 19è siècle… Pas de doute, on est bien dans le parc architectural du domaine de Boisbuchet. Là, design et architecture se pensent et s’inventent au cœur de la nature au cours d’ateliers où sont conviés parmi les artistes les plus créatifs. 

Chaque année, des étudiants et des professionnels planchent sur un thème différent pour donner vie à des objets et des constructions uniques aussi sérieux qu’originaux. 

Voilà plus de trente ans que le fondateur de ce lieu devenu Centre international de recherche en design et en architecture et Pôle d’excellence rural, le collectionneur Alexander von Vegesack, s’attèle à la tâche de “mettre en avant d’autres techniques de construction et de design épousant le cadre naturel de la campagne”. Un lieu insolite et magique tout à la fois qui fait dialoguer avec intelligence patrimoine bâti et parc ancestral avec des installations et créations de la plus grande audace. Rare. 

Coup de coeur pour l’œuvre iconique d’Ugo Rondinone, The Sun (2017), un immense anneau de branches coulées en bronze doré qui accompagne tous les matins le lever du soleil. pour les colliers de perles d’or de Jean-Michel Othoniel, perchées dans les branches des tilleuls, pour la ronde de fragments de marbre blanc imaginée par Richard Long, pour les babouchkas étincellantes de l’installation Mère veilleuse de Irina Rasquinet, qui scrutent l’horizon. Artistes en résidences, exposition temporaire dans l’ancienne laiterie du domaine, potager artistiquement dessiné. Ici tout n’est que luxe, calme et volupté. 

L’exposition du moment à la Laiterie, visible jusqu’en mars 2024 (entrée payante) « Eaux primordiales » est invitation à repenser la façon dont nous habitons la terre, et à nous reconnecter à nous-même et aux éléments visibles et invisibles avec des oeuvres de quelques incontournables pointures : des œuvres d’Yves Klein, d’Olafur Eliasson, Nina Cannell, Daniel Steegmann Mangrané et Tomás Saraceno..

Ici, le patrimoine, c’est d’abord la pierre : la fameuse pierre de Crazannes. La tour de force , c’est de lui donner vie avec tant d’imagination…
Au détour d’une route de campagne de Port d’Envaux, on découvre des roches sculptées sur plusieurs mètres de hauteur dans l’ancienne carrière des Chabossières. Décors digne d’une films d’Indiana Jones, les lapidiales est un espace d’art en perpétuelle évolution où des sculpteurs de tous pays viennent laisser une trace dans la roche calcaire, la fameuse pierre de Crazannes. Alain Tenenbaum, le créateur de ce lieu hors du commun, travaille en parallèle à la réalisation d’un nouveau projet à quelques kilomètres de là : la Galaxie des pierres levées.

Un projet pharaonique : la création d’une œuvre monumentale formée de 365 mégalithes sculptées, chacune mesurant 2,3 mètres de haut. A raison de 6 à 8 nouvelles mégalithes sculptées tous les ans, le projet devrait être achevé en 2064 ! Si le projet est en cours, il se visite déjà et vaut le déplacement : Au centre d’un vaste terrain, 5 pierres-mères, symboles des 5 continents, rappellent la volonté d’Alain Tenenbaum de célébrer les cultures du monde. Cette année, 8 mégalithes sont sculptés avec pour inspiration les cultures de l’Océanie. Un work in progress à la fois émouvant et pharaonique !