« La maison du retour » de Jean-Paul Kauffmann
Un récit subtil sur la reconstruction d'un homme au cœur de la forêt des Landes
En 1985, Jean-Paul Kauffmann, alors reporter pour le journal L’Evénement du jeudi est enlevé au Liban où il restera trois ans en captivité. A sa libération, il revient en France, mais ne peut reprendre sa vie d’avant. Il lui faut se réinventer, renaître autrement. La maison qu’il acquiert au cœur de la forêt des Landes devient l’épicentre de son retour à la vie : c’est La maison du retour.
Après trois années de détention au Liban, où il est jour et nuit à la merci de ses geôliers, Jean-Paul Kauffmann est libéré. L’ex-otage revient en France, hagard et amaigri, épuisé par trois années d’enfermement. L’homme doit réapprendre à vivre. Mais comment ? Et surtout où ? Car replonger dans sa vie « d’avant » lui est impossible. Il a besoin d’un sas, à la fois période et zone de décompression, qu’il trouvera dans un airial, une clairière enserrée entre de vastes pinèdes, au cœur de la forêt des Landes.
Il acquiert la maison des Tilleuls après une courte période de recherche. « Les Landes, la campagne normande ou les îles Fortunées : il fallait bien se poser quelque part. Je n’ai pas choisi la maison dans la forêt. Elle s’est proposée à moi, par défaut, à une époque confuse de mon existence. Choix hâtif auquel je suis lié à jamais. » Le notaire qui rédige l’acte de vente est incrédule devant cet achat. La maison, abandonnée depuis longtemps, est en mauvais état et la haute Landes peut-être difficile à vivre pour qui n’y est pas né. Et pour couronner le tout, l’endroit a une réputation sulfureuse : c’est un ancien bordel.
Pourtant, c’est là que le narrateur va se reconstruire, ou plutôt réapprendre à vivre.
L'airial a belle allure, mais à quel prix ? La terre des Landes me désespère. Ce matin, j'ai arrosé, constatant comme à chaque fois que le sable mat laissait passer l'eau sans la fixer. Le lessivage creuse un peu plus la surface, formant de petites vallées bien nettoyées aux échancrures blanchies par le rinçage. La terre des Tilleuls est ingrate. On a beau y déverser de l'humus, de la tourbe, du fumier, le sable finit toujours par réapparaître. A tout ce qu'il touche, il transmet sa nature pulvérulente. Ce sable qui resurgit, je le compare volontiers à ma condition, à ce passé qui ne cesse de remonter à la surface. Il métamorphose tout sur son passage, exerçant sur moi un pouvoir absolu. De ce passé qui a pu me montrer ma vulnérabilité, je me suis servi comme d'un tremplin.
La maison du retour est le récit de la rénovation de la maison autant que du retour à la vie de l’ex-otage. Entre les deux ouvriers qui travaillent le jour à la restauration de la bâtisse, la lecture des Géorgiques de Virgile et la musique de Haydn, le narrateur redécouvre la vie. Privé de tout pendant trois années, il s’émerveille de tout, la pluie, un arbre, un animal… Ses cinq sens se réactivent au fur et à mesure de l’avancée des travaux et de sa découverte de la nature environnante. « Cette maison et cette forêt m’ont permis de me reconstruire et de me rééduquer », a déclaré Jean-Paul Kauffmann lors de la sortie de ce roman.
Ecrit vingt-an après, Jean-Paul Kauffmann évoque sa captivité allusivement. D’une écriture limpide, il fait le récit sensible de cette période transitoire qui sépare confusément la fin de l’épreuve et le retour chez les humains. Les personnages pittoresques, les deux ouvriers, l’agent immobilier insaisissable, l’architecte pressé, l’aident aussi sûrement à revenir parmi les vivants. Jamais complaisant ou victimaire, La maison du retour est un hymne à la vie.
La maison du retour
De Jean-Paul Kauffmann
Nil éditions, 2007, 296 pages
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