Les labels de création dans les zones rurales
Une étude qui pointe un maillage du territoire très déséquilibré
Un tiers des Français vivent dans la ruralité : 15% dans les bourgs ruraux et 18% dans des zones à habitat dispersé ou très dispersé. Pour ces 22 millions de Français, les opportunités culturelles sont beaucoup plus limitées que pour le reste de la population. Même si de nombreuses initiatives existent, elles sont encore insuffisamment reconnues et soutenues. C’est ce que pointe le rapport de l’IGAC publié le 22 janvier 2024. Il analyse plus spécifiquement la place des Labels de création du Ministère de la culture dans les zones rurales. Nous l’avons lu pour vous. Synthèse de quelques axes forts…
Une implantation très urbaine
Sans surprise, le rapport relève une implantation des structures labellisées très majoritairement urbaine. Globalement, les bourgs ruraux, le rural à habitat dispersé et très dispersé (soit près de 22 millions d’habitants), ne rassemblent que 5 % des structures labellisées. En Nouvelle-Aquitaine par exemple, où l’on compte 43 structures labellisées pour 12 départements, la seule scène nationale en milieu rural est celle d’Aubusson dans la Creuse, le seul pôle national cirque, celui de Nexon en Haute-Vienne. On ne compte par ailleurs que deux centres d’art contemporain d’intérêt national : Vassivière en Haute-Vienne et Meymac en Creuse.
“Face à la faible implantation des labels en zone rurale, la logique d’aménagement culturel du territoire semble avoir atteint ses limites” pointe le rapport qui affirme aussi “la nécessité de réinvestir les territoires ruraux”. Ses préconisations en la matière n’ont rien de révolutionnaires et semblent relever du bon sens : présence accrue du service public de la culture, encouragement des dynamiques d’attractivité et soutien des potentiels que les territoires ruraux offrent, en termes de publics, d’expérimentation et d’esthétique.
Agir en zone rurale, c’est se confronter à une triple absence : de lieux, de réseaux, de ressources en ingénierie.
Rapport "L’action des labels de la création dans les zones rurales" par l'IGAC
L’itinérance comme solution ?
Dans ce monde de l’hyper-centralité culturelle, des dispositifs ont toutefois été mis en œuvre ces dernières années pour accueillir des populations “éloignées” ou pour “se projeter hors les murs”. Les « labels » nationaux ont ainsi développé l’itinérance de spectacles et d’expositions, la création de dispositifs mobiles, des résidences artistiques décentralisées et des actions d’éducation artistique et culturelle. “L’itinérance peut générer ses propres formes, ses propres esthétiques, qui interrogent, à leur tour, la scène in situ” détaille le rapport. Un rapport qui souligne par ailleurs la vitalité des propositions artistiques co-construites avec les habitants… et son corollaire “ne pas faire de cette offre adaptée une offre dégradée, qui serait perçue comme ne relevant que de l’action culturelle, voire de l’animation : l’exigence artistique doit être identique pour tous les territoires”. Un rappel plus qu’utile tant il vrai que les projets dits participatifs fleurissent, parfois au détriment de la dimension artistique des projets.
L’importance des autres acteurs pour mailler le territoire
Le rapport rappelle aussi que qu’on “ne saurait résumer l’action de l’Etat en milieu rural à la seule action des structures labellisées : de multiples équipes artistiques sont aidées au projet, à la structuration et au conventionnement, et irriguent les territoires éloignés”. Parmi ces structures soutenues par le ministère de la culture. (et par les collectivités territoriales), on compte notamment les scènes conventionnées d’intérêt national ou les centres culturels de rencontre. Certaines de ces structures sont parfois implantées en milieu rural. En Nouvelle-Aquitaine, on compte par exemple trois centres culturels de rencontre : Clarenza à La Bastide-Clairence (Pyrénées-Atlantiques), La Ferme de Villefavard (Haute-Vienne) et la Maison Maria Casarès à Alloue (Charente).
Agir en zone rurale, c’est se confronter à une triple absence : de lieux, de réseaux, de ressources en ingénierie.(...) De nombreux interlocuteurs de la mission, qu’il s’agisse des acteurs de la ruralité, des élus ou des équipes de direction des labels, notent le sentiment d’abandon, et pas seulement d’éloignement, des territoires ruraux. Cette situation appelle bien sûr des réponses sociales et économiques. Elle incite aussi à réaffirmer la présence du service public de la culture.
Rapport "L’action des labels de la création dans les zones rurales" par l'IGAC
L’essentielle question des moyens
Reste que le nerf de la guerre (les moyens) restent difficilement quantifiables comme en témoigne le rapport : “Le ministère ne dispose pas aujourd’hui d’une évaluation globale des crédits bénéficiant aux territoires ruraux, mais seulement d’estimations partielles”. Difficile dans ce contexte de quantifier et de cibler les efforts à faire. D’autant plus que les préconisations faites dans le rapport mettent en lumières les très nombreux besoin et chantiers : formation des élus locaux, politiques de transports, renforcement de l’ingénierie culturelle, poursuite du soutien financier à l’itinérance et aux résidences en milieu rural, meilleure association des labels à l’action des DRAC en faveur des territoires ruraux. Des pistes nombreuses qui tombent à pic pour la nouvelle ministre de la culture, Rachida Dati, qui entend, avec le lancement du Printemps de la ruralité, faire de l’art et la culture en milieu rural sa priorité politique. À suivre…
Les structures passées au crible
Le rapport de l’IGAC-Inspection générale des affaires culturelles fait un peu plus de 150 pages. Il étudie l’action des 367 structures du spectacle vivant et des arts visuels dites « labellisées ». 13 labels nationaux sont ainsi passés au crible : centres dramatiques nationaux, pôles nationaux du cirque, centres des arts de la rue et de l’espace public, opéras nationaux en région, orchestres nationaux en région, centres nationaux de création musicale, scènes de musiques actuelles, centres chorégraphiques nationaux, centres de développement chorégraphique national, scènes nationales, centres d’art contemporain d’intérêt national et 23 fonds régionaux d’art contemporain.
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